Jésus ne nous envoie pas comme des loups au milieu des brebis ; comme des loups parmi les loups ; ou encore, comme des loups déguisés en peau de brebis ! Mais bel et bien « comme des brebis au milieu des loups ».
Solennité de Saint Vincent Pallotti – Lc 10, 1-9
Luc Besson, cinéaste français bien connu qui a notamment réalisé le film sur sainte Jeanne d’Arc, disait au moment de la réalisation de ce film, qu’on ne peut pas saisir un saint/une sainte. On peut seulement s’approcher de lui/d’elle.
C’est juste et vrai ! Un saint reste toujours un peu inaccessible comme Dieu lui-même. Cependant nous pouvons et devons l’approcher. La fête de saint Vincent Pallotti est une excellente occasion pour le faire. Et puisqu’en ce Troisième Dimanche du temps ordinaire nous célébrons le « Dimanche de la Parole de Dieu » – étant invités à mieux comprendre l’inépuisable richesse qui provient de ce dialogue constant de Dieu avec son peuple – permettez que nous allions nous rapprocher de saint Vincent Pallotti à partir de la Parole de Dieu, c’est-à-dire à partir du passage évangélique sur lequel l’Église nous fait réfléchir à l’occasion de sa fête. Nous allons nous concentrer sur deux petits points.
Le premier – le nombre de disciples que Jésus envoie en mission: 72 ! En effet, l’évangéliste Luc attire notre attention sur un fait dont les trois autres évangélistes semblent ignorer. Il écrit : « Parmi les disciples, Jésus en désigna 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui ».
Cette petite observation: « encore 72 », est pour nous très précieuse chers frères et sœurs, car Luc souligne que nous n’avons pas ici à faire avec le groupe des « 12 apôtres » qui ont été envoyés plus tôt dans le chapitre neuvième de son récit évangélique, et que la tradition de l’Église identifie aux évêques et aux prêtres.
Eh bien, sachez que c’est en méditant sur ce passage, que Vincent Pallotti est parti pour la fondation de son œuvre de l’Apostolat Catholique, c’est-à-dire « apostolat universel ».
En effet, le nombre « soixante-douze », selon l’Ancien Testament, signifie « universalité ». Non seulement, il nous rappelle que l’Evangile est pour tous les peuples de la terre, mais il nous fait aussi prendre conscience que tout baptisé, d’une manière ou d’une autre, est un apôtre ! Oui, toute baptisée et tout baptisé est un apôtre ! Ou plus exactement, il est appelé à devenir apôtre, car on ne naît pas apôtre, on le devient ! Tout comme disait Tertullien – un chrétien des premiers siècles : « On ne naît pas chrétien, on le devient ». Devenir, suppose de marcher, de cheminer, d’être en mouvement et en discernement.
Passons maintenant au deuxième point – un conseil stratégique que Jésus donne à ses envoyés. Il leur dit, entre autres : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».
Remarquez, que Jésus ne nous envoie pas comme des loups au milieu des brebis ; comme des loups parmi les loups ; ou encore, comme des loups déguisés en peau de brebis ! Mais bel et bien « comme des brebis au milieu des loups ».
Une image bien curieuse ! Quelqu’un – se disant plutôt réaliste – en commentant cette image de « brebis en face des loups » disait : « Les brebis n’ont aucune chance contre les loups. Inutile d’essayer de les affronter ; et encore plus inutile d’essayer de convaincre les loups pour qu’ils deviennent végétariens ».
C’est vrai ! Humainement parlant, une brebis en face des loups, c’est une partie perdue d’avance ! Et cependant Jésus n’hésite pas à nous envoyer comme des « brebis au milieu des loups », et non pas à l’inverse. Pourquoi ?
Tout d’abord pour favoriser les moyens pauvres dans l’évangélisation ; et ensuite, pour promouvoir la non-violence évangélique. Je m’explique.
Dans le travail d’évangélisation, nous n’avons pas à chercher des méthodes ou des arguments frappants et écrasants, mais laisser parler l’Esprit du Père à travers nous. Et c’est vrai ! Une brebis n’a guère d’arguments frappants devant des loups. Mais Jésus cherche à nous faire croire que les loups pourraient bien cesser un jour d’être des loups. Et cela se fera sans arguments frappants, mais par la seule contagion du respect, de la paix et de la douceur. C’est ça même la non-violence évangélique : accepter envers et contre tout, d’être des agneaux au milieu des loups, convaincus que, tôt ou tard, la contagion prendra ! En d’autres mots, favoriser les moyens pauvres, c’est d’abord évangéliser avec charité, douceur, simplicité, paix, la non-violence.
Deuxièmement, Jésus n’hésite pas à nous envoyer comme des brebis au milieu des loups, et non l’inverse, car – comme l’explique saint Jean Chrysostome dans son homélie : « Tant que nous serons des agneaux, nous vaincrons et, même si nous sommes entourés par de nombreux loups, nous réussiront à les vaincre. Mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, car nous serons privés de l’aide du bon pasteur » (Homélie 33, 1: PG 57, 389).
Joli ! Les paroles semblables prononça plus récemment le pape François. En commentant ce passage évangélique il disait : « Les chrétiens doivent résister à la tentation de devenir des loups parmi les loups ; ce n’est pas avec le pouvoir, avec la force, avec la violence que le royaume de Paix du Christ s’étend, mais avec le don de soi, avec l’amour porté à l’extrême, même à l’égard de ses ennemis ».
Saint Vincent Pallotti écrivait la même chose dans son Testament spirituel. Il nous mettait en garde contre un loup en habit d’agneau : « Veillez qu’on n’admette pas parmi vous quelqu’un qui serait un loup en habits d’agneau ; quelqu’un qui n’ait pas donné des preuves d’humilité, de simplicité et de la pauvreté évangélique».
Toutefois, ni Jésus, ni Pallotti, ni le pape François – ne prônent la naïveté. Remarquez qu’en nous envoyant comme des brebis au milieu des loups, Jésus nous invite en même temps au discernement : « Soyez adroits, c’est-à-dire intelligents, habiles comme les serpents, et candides comme les colombes » – dit-il dans l’Evangile selon saint Matthieu. Plus, Jésus nous rassure que si nous veillons à rester « adroits comme les serpents, et candides comme les colombes » – tout nous sera donné : aussi bien la parole juste que l’attitude qui convient !
Que le Seigneur nous accorde l’intelligence du serpent et la douceur de la colombe. Saint Vincent Pallotti savait merveilleusement unir les deux. Par son intercession, demandons aujourd’hui la force et le courage de rester toujours des agneaux pour convaincre les loups de ce monde par notre intelligence, douceur et surtout exemple.
Comme dans cette petite histoire intitulée : « Comment faire boire un âne qui refuse de boire ?
Vous savez bien que les ânes sont réputés pour être têtus ! Comment donc faire boire un âne en respectant sa liberté ? Une seule réponse: trouver un autre âne qui a soif et qui boira longuement, avec joie et volupté au côté de celui qui ne veut pas boire. Un jour, peut-être, son frère, pris d’envie, se demandera s’il ne ferait pas bien de plonger, lui aussi, sa tête dans un seau d’eau fraîche ». En effet, des hommes et des femmes qui ont soif de Dieu sont plus efficaces que tant de conneries racontés sur Lui.
Père Stanislas Stawicki SAC
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