« Dieu se présente aujourd’hui à nous. Il entre dans la simplicité du quotidien. Il se présente à nous avec le visage d’un membre de la famille. »
C’est bien paradoxal, mais précisément, c’est dans le contexte familial qu’il nous est le plus difficile d’exprimer ce que nous pensons; de partager ce que nous ressentons ou tout simplement d’exprimer une opinion sur ce que nous voyons. Autrement dit, là où nous attendons d’être reconnus, nous sommes souvent dévalorisés.
La proximité et la quotidienneté vécues ensemble créent paradoxalement un voile sur l’identité de l’autre. Nous lui apposons des étiquettes. Nous présumons que nous savons déjà tout sur lui. Et nous ne lui donnons plus la chance de nous surprendre.
Eh bien, sachez que la dévalorisation est un mécanisme de défense très subtil, particulièrement pratiqué dans le contexte familial. Lorsque ceux et celles qui nous connaissent le mieux se sentent provoqués par nos paroles, ils dévalorisent tout de suite ce que nous disons:« Regardez qui parle »! Oui, nous sommes souvent fascinés par l’extraordinaire, mais nous sommes beaucoup plus réticents à accepter la correction de ceux que nous connaissons bien.
Le récit évangélique de ce dimanche montre que Jésus, lui aussi, fait l’expérience de cette dévalorisation dans son contexte familial: « N’est-ce pas là le fils de Joseph »? « Médecin, guéris-toi toi-même » !
C’est ainsi que Dieu se présente aujourd’hui à nous. Il entre dans la simplicité du quotidien. Il se présente à nous avec le visage d’un membre de la famille. Et ce sont précisément les plus proches de lui qui le rejettent; qui l’éloignent et l’empêchent d’agir.
Toutefois, Jésus sait bien que cette dynamique n’est pas nouvelle. Elle appartient à l’histoire de l’humanité. Voilà pourquoi il rappelle que même deux grands prophètes, comme Elie et Elisée, ont été envoyés à des étrangers, parce qu’ils ont fait, eux aussi, l’expérience de ne pas être reconnus et appréciés parmi les siens.
Chers frères et sœurs,
Cette histoire se répète encore aujourd’hui. Nous sommes une société en colère ; une société furieuse et violente – tout comme les concitoyens de Jésus. En effet, l’évangéliste Luc note que « dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline pour le précipiter ». Oui, la colère aveugle, absolutise et détruit. Et le principal ennemi sur lequel nous déversons notre colère est celui qui remet en cause notre tranquillité desséchée et nos habitudes endurcies.
Nous pouvons nous demander en ce dimanche : Sommes nous prêts à être surpris par des personnes que nous pensons trop bien connaître? Sommes nous prêts à se remettre en question lorsque la parole d’un autre ou la Parole de Dieu nous provoque?
En tous cas, savoir se remettre en question est un art qui peut nous faire grandir, car s’affirmer – n’exclut pas de respecter l’opinion et les positions de l’autre. Autrement dit, la remise en question de soi demeure toujours une fenêtre ouverte aux autres et une grande porte pour pouvoir circuler en toute finesse dans les couloirs de l’intelligence, du respect et de la tolérance. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’il est bon de tremper sa flèche de la vérité dans le miel, avant de la lancer ?
Et encore une petite chose.
L’homélie de Jésus dont nous parle l’Evangile de ce dimanche, fut probablement la plus courte de l’histoire. Il n’a dit qu’une seule phrase: « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre ». Point ! Cependant, elle a suscité des réactions bien contrastées, allant de l’étonnement bienveillant au déchainement de violence. « Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin » – nous fait observer l’évangéliste Luc.
Voyez vous ! Jésus ne s’était pas arrêté comme ce prédicateur, fier de son sermon, qui s’attend à recevoir des félicitations à la sortie de l’église ! Il ne s’est pas arrêté non plus à la furie des habitants de Nazareth qui veulent le jeter par-dessus bord. Il va son chemin !
On dirait peut-être aujourd’hui : Les chiens aboient, la caravane passe. Oui, Jésus est profondément libre et rien ne l’arrête. Sa mission est plus importante que les louanges et les cris, car celui qui est sûr de son chemin, ne s’en laisse pas détourner ni par les louanges ni par la désapprobation la plus hurlante.
C’est aussi une leçon pour nous ! Qu’est-ce qui nous arrête et nous empêche de poursuivre notre chemin de chrétien ? Les flatteurs dont la petite musique nous chante à l’oreille que le bien que nous faisons est extraordinaire et déjà suffisant ? Ou l’incompréhension des plus proches qui peut aller jusqu’à leur colère pour me paralyser ? Dans les deux cas, je m’arrête ! Et le Christ veut, au contraire, que je marche et que je le suive.
Père Stanislas
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