Pâques 2022 – Jn 20 1-9
Comme vous le savez, les évangiles ne décrivent pas l’événement de la résurrection elle-même, car personne n’a vu la pierre rouler! Les disciples ont vu le tombeau vide, et donc la pierre déjà roulée! Par contre, les évangiles nous parlent des nombreuses rencontres avec le Christ ressuscité.
Mais ce qui est intéressant, c’est que le Christ ressuscité n’apparaît pas à ceux qui étaient – en apparence – bons et honorables à cette époque, à savoir: Pilate, Hérode, les grands prêtres ou les scribes.
La toute première personne à qui le Ressuscité est apparu est une femme, Marie de Magdala. Selon les normes de l’époque, une personne à qui on ne pouvait pas faire confiance!
De toutes les façons, pendant 40 jours, le Christ ressuscité rencontrera tous ceux et celles qui ont cru en lui et l’ont suivi. Et donc :
– les deux disciples déçus et craintifs sur le chemin d’Emmaüs,
– les disciples effrayés et retirés dans la chambre haute(appelée par la tradition le Cénacle),
– l’incrédule Thomas,
– les disciples fatigués et tristes au bord du lac.., ainsi de suite.
Toutes ces rencontres sont pleines de la préoccupation du Christ ressuscité pour ses disciples, pour ses amis, pour nous! Nos douleurs, nos misères et nos chagrins. En effet, parmi nous, il y a aussi ceux qui pleurent, même les jours de fête, et peut-être surtout les jours de fête!
A nous aussi, il nous arrive d’être déçus, d’être tristes, de douter ou d’avoir peur. C’est précisément pour nous, pour toutes ces situations de notre vie que Jésus est ressuscité! La résurrection nous apprend qu’il ne faut jamais se dire « cette fois, c’est foutu », car la foi dans la résurrection n’est pas seulement une connaissance ou une espérance, elle est aussi « performante ». C’est un remède pratique pour nous relever après les chutes que la vie nous réserve. Il convient donc de sauvegarder l’espoir et la joie de la célébration de Pâques.
Voilà pourquoi, je voudrais vous rappeler une pratique ancienne, appliquée à la liturgie de Pâques depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIII siècle, à savoir: « Risus paschalis » – c’est-à-dire : « rire de Pâques ». Qu’est-ce que c’est?
Eh bien, lors de leurs sermons du dimanche de Pâques, les prêtres essayaient toujours de raconter une « bonne blague » pour faire rire les gens, soulignant ainsi que le temps de tristesse et de jeûne est terminé. Le rire et l’humour sont, en effet, un signe d’espoir et de joie spirituelle.
Malheureusement, au début du XIXe siècle, le risus paschalis fut interdit par l’Eglise, étant vu que cette coutume s’appauvrissait de plus en plus. En effet, pour divertir les croyants, certains prêtres utilisaient des blagues inadéquates et disproportionnées qui n’étaient pas à la hauteur de l’événement pascal. Les abus, comme cela arrive souvent, ont mis donc fin à la coutume du rire pascal.
Cependant, depuis quelque temps, certains prêtres n’hésitent pas à restaurer cette pratique. Voilà pourquoi, pour terminer cette homélie, je voudrais vous raconter une petite histoire. Ce n’est peut-être pas une histoire suffisamment drôle, mais heureuse, surtout si on y réfléchit. L’histoire s’appelle: « Le ballon noir ».
Un garçon à la peau foncée observait le vendeur de ballons à la fête du village. L’homme était manifestement un très bon vendeur, car il a lâché un ballon rouge, qui s’est élevé haut dans le ciel, attirant une foule de petits clients potentiels. Il a ensuite lâché un ballon bleu, suivi d’un blanc et d’un jaune qui ont volé de plus en plus haut jusqu’à ce qu’ils disparaissent.
Le garçon à la peau foncée a continué à fixer le ballon noir et a finalement demandé: « Monsieur, si vous faites libérer le ballon noir, volera-t-il aussi haut que les autres » ? Le vendeur a adressé un sourire affectueux au garçon, puis a déchiré la ficelle qui maintenait le ballon noir et, tandis qu’il s’envolait dans le ciel, il a dit au garçon à la peau foncée: « Ce n’est pas la couleur qui compte, mon petit! C’est ce qu’il y a à l’intérieur qui le fait monter ».
Chers amis,
La Résurrection est le cœur de notre foi, et c’est précisément elle, la foi, qui nous fait monter vers Dieunotre adresse définitive. C’est la foi, c’est-à-dire ce qui est à l’intérieur qui nous élève et nous aide à prendre notre envol.
En tous cas, le récit du tombeau vide nous laisse la liberté de choisir. Si nous choisissons de nous laisser éclairer par la lumière de la Résurrection, alors et alors seulement, la lumière de Pâques emplira également nos vies, en nous tournant – comme le dit si bien saint Paul dans la II lecture de cette fête – vers les réalités d’en haut: « Pensez aux réalités d’en haut – insiste Paul, non à celles de la terre ».
Et ces réalités d’en haut ne sont pas des abstractions. Elles portent le nom d’amitié, d’amour, de tendresse, de douceur, de pardon, de générosité, de respect, c’est-à-dire toutes ces réalités que nous prendrons avec nous au-delà, lors de notre grand voyage, lors de notre mort !
Oui, ces réalités sont plus fortes que la mort. Voilà pourquoi un des Pères de l’Eglise, Isaac de Ninive, aimait dire: « Le seul vrai péché, c’est de rester insensible à la résurrection », car la résurrection nous ouvre à la vie éternelle.
Chers frères et sœurs, notre vie n’est pas une roue qui tourne sans fin, mais une flèche qui a une direction. Dans la foi, notre vie vaut la peine d’être vécue, à chaque instant qu’il nous est donné de vivre. Nous sommes des êtres capables de Dieu, des êtres capables de résurrection, des êtres qui se réjouissent pleinement de la vie terrestre, car nous avons en nous cette conviction que quelque chose d’ici se poursuivra dans l’au-delà. Alors, notre dernier mot ne sera pas la mort, mais la victoire sur la mort. La Pâques ouvre pour tous l’horizon de la vie éternelle. Que ce jour de Pâques soit Pâques d’espérance pour chacune et à chacun de vous !
Père Stanislas