Choisissez de grandir au moins dix fois par jour !

« Dieu n’aime pas nos fragilités en tant que telles. Ce qu’il aime, c’est notre foi et notre attitude de confiance vis-à-vis de Lui. »

Lectures de ce dimanche

Il y a beaucoup de mouvements dans la scène évangélique de ce dimanche :

  • Jésus qui monte et qui descend d’une barque.
  • La foule qui se presse sur les bords du lac pour écouter Jésus prêcher.
  • Les pêcheurs qui, faisant confiance à Jésus, repartent en mer lancer leurs filets, puis les rapportent prêts à craquer, enfin rangent leur matériel pour suivre Jésus.
  • Même les barques sont en mouvement: « elles enfonçaient »– nous relate l’évangéliste Luc.
  • Et surtout, surtout un mouvement fondamental de Simon-Pierre. Il tombe aux genoux de Jésus en disant: « Eloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ».

Frères et sœurs, habituellement, face à un échec, la première réaction est l’amertume et la colère. Cela devait être plus ou moins la condition de Simon-Pierre dont nous parle l’Évangile de ce dimanche. En fait, Pierre et ses compagnons ont peiné toute la nuit sans rien prendre.

Pour un pêcheur, revenir d’une nuit où il n’a rien pris, c’est un échec. Ce sont des moments où l’on aimerait être seul avec sa colère. Eh bien, au lieu de cela, en bon psychologue, Jésus provoque Pierre pour qu’il sorte de son silence.

L’initiative ne vient donc pas de Pierre, mais de Jésus! Il entre dans sa barque (dans son expérience d’échec) en lui demandant d’abord, de « s’écarter un peu de rivage », afin qu’il puisse parler aux gens.

Un peu, seulement ! La demande n’est donc pas excessive. Ce n’est qu’après, qu’il invite Pierre à « avancer au large » et jeter les filets pour la pêche.

Avancer au large, c’est le tout premier appel que Jésus adresse à Pierre au bord du lac de Génésareth, appelé aussi le lac de Tibériade.

Avancer au large, c’est quitter le bord ; c’est se risquer ; c’est ne pas réduire, ne pas exclure. Ne pas réduire la hauteur et la profondeur de la démarche. Oui, avancer au large, c’est à la fois oser aller vers l’inconnu, et en profondeur. Jésus demande donc à Pierre de ne pas rester à la surface, et surtout de retourner à la pêche; c’est-à-dire retourner au lac, à l’endroit où il a vécu son échec cette nuit-là.

Pierre accepte le défi. Il retourne sur le lac et fait participer d’autres personnes à son expérience. Quelque chose d’extraordinaire se produit alors. Le filet se gonfle. Avec Jésus, la pêche devient extraordinaire. Pierre comprend alors que Dieu s’est manifesté dans sa vie. C’est la raison pour laquelle il fait l’expérience de son indignité: « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ».

Il s’était senti vu dans les profondeurs. Il s’était senti aimé gratuitement. Il ne le méritait pas ! Alors il voulait se retirer, disparaître. Mais Jésus lui fait prendre conscience que nos péchés n’empêchent pas Dieu d’agir en notre faveur. Ce ne sont pas nos péchés qui empêchent la grâce de se déployer dans notre cœur. Ce qui empêche la grâce de se répandre dans notre cœur, c’est le découragement et le désespoir que nos faiblesses et nos blessures entretiennent si souvent en nous.

Certes, Dieu n’aime pas nos fragilités en tant que telles. Ce qu’il aime, c’est notre foi et notre attitude de confiance vis-à-vis de Lui. Alors seulement, l’être fragile que nous sommes, peut devenir fécond et porter du fruit. Et cela se passe chaque fois lorsque à la demande de Jésus nous prenions le risque d’avancer au large.

Abraham Maslow, grand psychologue américain, fils d’immigrants ukrainiens d’origine juive, connu surtout pour sa théorie des besoins de l’homme appelée couramment « La pyramide de Maslow », disait que « la vie est un processus dans lequel on doit constamment choisir entre la sécurité et le risque. Sécurité – par peur et le besoin de se défendre. Risque – pour progresser et grandir ». Et Maslow d’ajouter: « Choisissez de grandir au moins dix fois par jour »!

Et encore une petite chose.

Il y a 10 jours, je suis allé saluer les enfants de l’école catholique Sainte Thérèse, se trouvant sur notre paroisse, que vous connaissez fort bien. Dans une des trois classes que j’ai visitée, une petite fille de 6 ans, m’a demandé: « Père, peut-on devenir saint en faisant des bêtises ?».

J’ai répondu – tout en essayant d’utiliser le langage adapté aux enfants – qu’il n’existe même pas d’autres chemins pour devenir saint, et ceci pour une simple raison, que nous ne sommes pas des anges (à quelques exceptions, évidemment). Autrement dit, pour devenir saints nous devons passer par des bêtises. Et il arrive même, que Dieu ne s’éveille en nous, que par le biais de bêtises, de la chute et de l’échec.

Je pense que c’était également l’expérience de Simon-Pierre. Elle nous montre que l’échec et la défaite font partie de notre rencontre avec Dieu, car Dieu ne nous enferme jamais dans une impasse ! C’est peut-être pour cette raison que sainte Bernadette Soubirous – que nous allons fêter le 18 février prochain – disait : « Je voudrais qu’on nous dise les défauts des saints et ce qu’ils ont fait pour s’en corriger. Cela nous servirait bien plus que leurs miracles et leurs extases ».

La même observation a faite également saint Vincent Pallotti: « Remarquez – écrit-il, que dans la vie des saints manque toujours un chapitre, celui sur leurs défauts ; il serait cependant le plus long, si on y ajoutait ».

Evidemment, il n’y a aucune raison de magnifier les bêtises, les défauts et les échecs – comme s’il fallait absolument échouer pour pouvoir grandir. Nous ne devons pas forcément échouer pour trouver le bon chemin, et cependant, c’est un fait : nous ne pouvons manquer d’échouer. Une vie humaine sans échec, sans imperfection n’existe pas ! Dieu seul est sans défauts.

Autrement dit, les échecs peuvent être aussi de bonnes opportunités, en devenant l’impulsion pour recommencer ou en nous aidant à regarder nos vies avec plus de réalisme et d’humilité. Mais ce sont aussi des moments à risque, car certaines personnes n’ont pas le courage de réagir et sont écrasées sous le poids d’une image brisée. C’est peut-être pour cela que, comme dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus veut entrer dans nos échecs pour nous aider à les relire avec un regard nouveau. Pour nous montrer qu’avec Lui nous pouvons transformer les décombres de nos vies.

Père Stanislas

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