La vie sans astre (étoile) est un désastre !
« Comme les Rois Mages en Galilée… » – chantait Sheila, c’est-à-dire Annie Chancel, une des icônes du courant yéyé en France dans les années 60/70.
Cette chanson est devenue culte. Encore au début des années 80’, alors que j’apprenais le français à Bruxelles, en période de l’Epiphanie, on nous a fait chanter à l’école : « Comme les Rois Mages, en Galilée, suivaient des yeux l’étoile du Berger, je te suivrai, où tu iras, j’irai fidèle comme une ombre jusqu’à destination ».
Il y a cependant un petit problème, parce que l’évangile de l’Épiphanie – que nous venons d’entendre – évoque, lui, la Judée et non pas la Galilée, car c’est bel et bien en Judée, et non pas en Galilée, que se trouve la ville de Bethléem.
Probablement Sheila a loupé quelques leçons de catéchisme dans sa tendre enfance à Créteil. A dire vrai, peu importe ! L’essentiel est ailleurs. Peut-être même dans les derniers mots du couplet de sa chanson : « Je te suivrai, où tu iras ; j’irai, fidèle, comme une ombre jusqu’à destination » ! À dire vrai, c’est une véritable profession de foi ! Une exhortation, même ! Car l’enfant qui vient de naître à Bethléem est bien celui qui, plus tard, appellera des pêcheurs de la mer, cette fois-ci de Galilée, à le suivre jusqu’au bout !
D’aucuns riposteront, mais l’Epiphanie, ce n’est pas d’abord la fête des Rois Mages. C’est avant tout la fête du Christ, Lumière du monde, qui se fait voir aux hommes de toute culture et de toutes les nations ! C’est vrai, à l’Epiphanie nous célébrons avant tout le Christ, terme du pèlerinage de tous les chercheurs de Dieu. Mais les Mages nous montrent comment chercher Dieu, et comment Dieu se laisse trouver par ceux qui le cherchent sincèrement. Ils nous le montrent à travers quatre caractéristiques.
Tout d’abord, ils se sont mis en route laissant derrière eux leurs sécurités. Voici la première caractéristique d’une recherche honnête : il faut bouger sans rester dans nos zones de confort. Précisément, les Mages se déplacent même dans la nuit, quand les choses ne sont pas claires et que le chemin peut même être dangereux, mais c’est la seule façon de suivre l’étoile !
Ensuite, les Mages nous aident à comprendre que si nous voulons vraiment chercher, nous devons aussi avoir le courage de demander. Si nous prétendons tout savoir, si nous n’avons pas l’humilité de demander de l’aide, nous ne pourrons guère avancer dans notre recherche. Demander, c’est évidemment risquer. Même les Mages se sont trompés de personnes en frappant à la porte d’Hérode.
Troisièmement, les Mages nous invitent à chercher le Seigneur avec générosité du cœur. En effet, chacun d’eux offre à Jésus un présent. Et remarquez que chacun offre une chose différente : or, encens et myrrhe. On dirait, drôle de cadeaux pour un bébé ! Mais ces cadeaux expriment la royauté de l’Enfant : l’or et l’encens, ainsi qu’ils annoncent sa Passion : la myrrhe.
Enfin, les mages nous apprennent à changer de route si c’est nécessaire. En effet, « avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Voyez-vous ! Ils ne retournent pas sur le chemin qu’ils connaissent, mais changent de direction, car dans la vie, un chemin qui nous a permis de trouver ce que nous cherchions, ne reste pas forcément adapté pour toujours. Il faut s’ouvrir à la nouveauté et ne pas s’entêter à refaire ces tronçons de route simplement parce qu’on les connaît bien.
Et encore une petite chose. Les Mages ont été attirés et guidés par une étoile. Cette mystérieuse étoile les précédait. Plus, « quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie » – note l’évangéliste Mathieu. Or, « étoile » en latin, c’est « sidus » ou encore « astro ». « Sidus », c’est aussi la racine du mot « désir ». Et « astro » est également la racine du mot « désastre » (catastrophe).
Voyez-vous ! Si dans la vie nous ne sommes pas attirés et guidés par une étoile, un idéal, une raison de vivre, un amour, une motivation – nous n’avons pas envie de marcher ! Si nous vivons enfermés dans le périmètre étroit des choses terrestres, si nous marchons tête baissée, otages de nos échecs et de nos regrets ; si nous sommes affamés de biens et de consolations mondaines au lieu de rechercher lumière d’en haut, notre vie s’éteint. Notre vie devient un désastre. Bref, les Mages nous enseignent à regarder vers le haut, car notre aide vient du Seigneur.
En route, alors, le regard tourné vers le ciel, les pieds qui marchent sur la terre, le cœur généreux, plein de discernement et prosterné en adoration.
Père Stanislas