La comptabilité du Bon Dieu !

La comptabilité du Bon Dieu !

XXIV dimanche – Mt 18, 21-35

« Seigneur, si mon frère me fait du tort, combien de fois dois-je lui pardonner ? » – demande Pierre à Jésus. Cette question représente certainement la voix de la conscience de Pierre; la voix de la conscience de chacun de nous ; la conscience de celui qui veut se sentir bien. Autrement dit, Pierre cherche une mesure pour se sentir juste. Il veut quantifier l’amour, comme s’il voulait dire : « Maintenant, c’est assez ! Basta ! J’ai fait tout ce que j’avais à faire ».

Et Jésus ?

Il lui fait comprendre que l’équité n’est pas encore l’amour, et que le pardon – comme l’amour – n’a pas de mesure. D’où sa réponse : « 70 fois sept fois ». Voilà la comptabilité du Bon Dieu ! Une comptabilité qui nous surprend et déroute.

Quel calvaire ? – diront peut-être certains d’entre nous. Donner, pardonner, encore et encore… Jusqu’à un demi-millier de fois par jour ! Mais qui serait assez méchant pour faire tant de mal ? Et qui serait assez généreux pour absoudre tous ces péchés ?

Les mathématiques, visiblement, n’y passent pas. « Dieu – disent les mystiques, ressemble à un océan d’amour ».

Chers frères et sœurs, vous avez certainement appris que dans la Bible, les chiffres et les nombres ne sont jamais que des chiffres et des nombres. Comme d’ailleurs dans la vie de tous les jours, où nous utilisons des expressions qui contiennent des chiffres qui dépassent leur signification matérielle.

La langue française comporte de nombreuses expressions idiomatiques de ce genre. Il suffit de penser à des phrases telles que :

  • « avoir deux mots à dire ».

  • Ou : « dire ses quatre vérités ».

  • Ou encore : « jamais deux sans trois ».

Toutes ces expressions signifient bien plus que ce qu’elles disent. Ainsi, dans la Bible, le chiffre « sept » représente la perfection. Bien sûr, parfois un 7 n’est qu’un 7, et nous devons être prudents lorsque nous attachons des significations symboliques à un texte biblique. Cependant, il y a des moments dans la Bible où Dieu communique l’idée de la complétude et de la perfection justement au moyen du chiffre 7. Voilà pourquoi l’apôtre Pierre, en posant la question au sujet du pardon à accorder à son frère, pense qu’il propose le maximum de ce que l’esprit humain peut concevoir.

Et que dit Jésus ?

Il prend ce « maximum » de Pierre et le porte à l’infini. Car seule l’infinité peut être la mesure de l’amour et, par conséquent du pardon. « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure » – disait saint Bernard de Clairvaux. Nous pouvons ajouter en ce dimanche : la mesure du pardon, c’est de pardonner sans mesure ! Ainsi, la parabole de ce dimanche nous invite non seulement à pardonner, mais aussi à transformer le pardon en un état de vie ; à une attitude habituelle.

Et encore une petite chose.

La parabole que Jésus nous raconte nous fait comprendre que le pardon n’est pas uniquement une affaire personnelle, il concerne également toute la communauté, quelle qu’elle soit : famille, groupe d’amis, association, communauté paroissiale, etc.

En effet, dans toutes les relations humaines, il y a inévitablement des tensions. Nous blessons les autres, et nous sommes blessés. À des degrés divers, bien évidemment !

Les blessures infligées par nos proches : conjoint, parents, enfants, amis, compatriotes.., sont celles qui font le plus mal. La liste des torts possibles est longue. Un mot blessant, un jugement injuste, une moquerie, une indifférence, une trahison… Certaines blessures guérissent rapidement. D’autres mettent du temps à cicatriser, et leurs cicatrices restent à jamais.

Eh bien, une famille, une communauté ne peut survivre que si elle accepte d’être continuellement confrontée à la nécessité du pardon.

Autrement dit, les relations interpersonnelles meurent lorsque nous ne nous pardonnons plus les uns aux autres.

Bref, ceux qui sont incapables de pardonner détruisent la vie de la communauté !

Évidemment, le pardon est un processus long et difficile. Pour les chrétiens que nous sommes, c’est à la fois un effort de l’homme et le don de Dieu. Et il n’y a pas d’autre voie possible : soit on s’engage sur le chemin du pardon, c’est-à-dire de la guérison, soit on s’enferme dans un cercle infernal de la haine, de vengeance, de douleur et de la souffrance.

La parabole de ce dimanche nous invite à relever ce défi. Essayons donc d’être miséricordieux comme notre Père, à qui nous ne cessons de dire chaque jour : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »

Père Stanislas

Image de jcomp sur Freepik