Ste Jeanne d’Arc selon le pape Benoît XVI – Conférence de Carême

Thème de ce cycle de conférences de Carême  : « Avec le Pape Benoît XVI à l’école des saints français »

Sainte Jeanne d’Arc selon le pape Benoît XVI

par Clément Boyer

Sainte Jeanne d’Arc selon le pape Benoît XVI

Introduction

« Messire Dieu premier servi » telle était la devise de Sainte Jeanne d’Arc, car oui, Jeanne n’aura de cesse que de servir Dieu. L’amour de Jeanne pour Jésus était total comme le disait le Pape Benoît XVI qui avait consacré une catéchèse à la sainte le 26 janvier 2011 en audience générale au Vatican. Dans cette catéchèse, et à propos de cette fameuse devise, le pape disait que « le «Mystère de la charité de Jeanne d’Arc», qui avait tant fasciné le poète Charles Péguy, est cet amour total pour Jésus, et pour son prochain en Jésus et pour Jésus. Cette sainte avait compris que l’Amour embrasse toute la réalité de Dieu et de l’homme, du ciel et de la terre, de l’Église et du monde. Jésus est toujours à la première place dans sa vie ».

Sainte Jeanne a considérablement influencé le cours de l’Histoire de France, au même titre qu’un autre grand personnage : Roi de France et saint, Louis le neuvième dit Saint Louis. Tous deux menèrent une vie pieuse et une vie politique. D’autres la comparent à sainte Catherine de Sienne, on peut également, et nous le verront au cours de cette conférence, voir quelques similitudes entre Jeanne et la petite Thérèse de Lisieux.

La vie de la jeune lorraine fût extrêmement courte et l’essentiel des événements qui bouleversèrent le cours de la guerre de Cent ans se déroulent entre 1429 et 1431. Benoît XVI résumera la vie de Jeanne en deux phases : une année d’action (les batailles et le sacre à Reims) et une année de passion (son emprisonnement et son martyr).

Avant de décrire cette année d’action et cette année de passion, il me semble important de revenir sur la jeunesse de Jeanne. Il faut également, pour comprendre cette extraordinaire épopée, se replacer dans le contexte historique et politique de la France en ce début de XVème siècle.

Contexte historique et politique

A l’époque où Jeanne d’Arc va entamer son périple, le Royaume de France est dans une situation extrêmement délicate. La Guerre de Cent ans fait des ravages depuis de longues années. La fine fleur de la chevalerie française a été décimée en 1415 à Azincourt et une guerre civile fait rage entre deux puissants seigneurs : le duc d’Orléans (les armagnacs) et le duc de Bourgogne.

De plus, le traité de Troyes ratifié en 1420 a modifié l’ordre successoral à la couronne de France : aux termes de ce traité, à la mort du roi fou Charles VI, c’est son gendre Henri V qui doit régner sur la France. Henri décède peu après, son fils est trop jeune pour diriger. C’est alors le duc de Bedford qui devient régent de France et d’Angleterre. Au regard de la loi salique c’est le dauphin Charles qui aurait dû accéder au trône. Ce dernier se proclame Roi sous le nom de Charles VII. Il se réfugie au sud de la Loire et installe son administration à Poitiers.

En 1429, le nord-ouest de la France est sous occupation anglaise jusqu’à la Loire. L’est du pays et la Flandre sont contrôlés par les Bourguignons. En ces temps troublés, le peuple de France souffre tout particulièrement, des territoires entiers sont abandonnés, les cultures laissées en friches se multiplient, l’insécurité est partout. Les gens sont excédés et désespérés par les exactions commises par les différents protagonistes de ces conflits.

Jeunesse et personnalité de Jeanne

Jeanne d’Arc naît aux alentours de 1412 à Domremy, un village de l’est de la France, enclavé entre le duché de Bar et le duché de Lorraine. Son père s’appelait Jacques d’Arc et sa mère Isabelle la Romée. Jacques est un petit propriétaire terrien et même s’il est peu fortuné, il fait partie des notables de ce village situé au bord de la Meuse.

La fille de Jacques est surnommée Jeannette, elle vit le quotidien d’une jeune campagnarde de cette époque où 95 % des français étaient paysans. Ainsi, la moisson, le travail du lin, la surveillance des troupeaux rythment les journée de cette enfant très pieuse.

Cette piété a été forgée par une forte éducation religieuse. Jeanne se rendait souvent à l’église du village et lorsqu’elle travaille aux champs, elle cesse le labeur et s’agenouille quand résonnent les cloches de l’édifice placé sous le vocable de Saint Rémi, évêque qui a baptisé Clovis, le Rex francorum.

Le pape Benoît XVI insiste sur la grande charité de Jeanne : « Depuis l’enfance, elle démontre une grande charité et compassion envers les plus pauvres, les malades et tous les souffrants, dans le contexte dramatique de la guerre. » En effet, des témoins de son procès en réhabilitation décrive une fillette qui consolait les malades et faisait régulièrement l’aumône.

Sa grande piété est souvent moquée par les enfants de son âge, elle n’aime ni la danse ni les jeux de hasard qui sont une offense à Dieu. Toutefois, elle est joyeuse et aime plaisanter. Elle est à la fois d’un caractère bien trempé et à la fois d’une grande sensibilité. Cette extrême émotivité me fait penser à celle de Sainte Thérèse de Lisieux dans son enfance.

Jeannette se rendait tous les jours à la messe et se confessait régulièrement. Jeanne est donc une chrétienne exemplaire, le duc d’Alençon en personne en témoignera : « Autant que j’aie pu le voir, je l’ai toujours tenue pour bonne catholique et honnête femme, et je l’aie vu plusieurs fois recevoir le corps du Christ ; et quand elle voyait le corps du Christ, elle pleurait souvent avec beaucoup de larmes. Elle recevait la sainte Eucharistie deux fois par semaine, et se confessait souvent. ». Cette âme fervente détestait le blasphème, au point qu’elle n’hésitait pas à rabrouer les plus grands capitaines du Royaume lorsque ceux ci juraient ou blasphémaient le nom de Dieu et des saints.

Dans son récent ouvrage, l’historienne Valérie Toureille résume parfaitement la personnalité de Jeanne : « C’est, à sa manière, une femme libre. Libre et vertueuse. Pieuse sans être dévote, simple sans être naïve, sensible et sportive, aimant la prière et les combats, c’est sans doute cet assemblage des contraires qui la rend à la fois si proche et si singulière. Fondamentalement, Jeanne est restée une femme du peuple, et le peuple l’a reconnue comme telle dès qu’il l’a connue. »

Les voix et début de la vie d’action de Jeanne

C’est à l’âge de treize ans, alors qu’elle se trouvait dans le jardin de son père, que Jeanne entend pour la première fois les voix : Saint-Michel, protecteur de la France et du roi Charles VII, Sainte Catherine d’Alexandrie, patronne des jeunes vierges et Sainte Marguerite d’Antioche, autre vierge martyrisée.

Joseph Ratzinger, Benoît XVI dira que « Avec le vœu de virginité, Jeanne consacre de manière exclusive toute sa personne à l’unique Amour de Jésus ». Il considère également cet évènement comme une intensification de la vie chrétienne de Jeanne. Pour lui, « la compassion et l’engagement de la jeune paysanne française face à la souffrance de son peuple sont encore renforcés par son rapport mystique avec Dieu ».

Ces voix lui enjoignent de sauver le Royaume de France, tout simplement. Ainsi, le pape Benoît estime que « l‘un des aspects les plus originaux de la sainteté de cette jeune fille est précisément ce lien entre l’expérience mystique et la mission politique ».

Robert de Baudricourt,capitaine de la place forte de Vaucouleurs est l’un des partisans de Charles VII dans cette petite enclave de l’est de la France. Et c’est cet homme que Jeanne parviendra à convaincre de lui fournir une escorte pour aller rencontrer le Dauphin Charles. Dès le début de son épopée, nous pouvons constater la force de conviction de Jeanne d’Arc. En effet Baudricourt et les autres nobles de la région ne sont pas des tendres, ils ne sont pas spécialement portés sur la religion non plus. Et pourtant ils vont fournir à Jeanne, monture, vêtements et escorte jusqu’en terres de France. Peut-être ont t-ils été influencés par la ferveur populaire qui commence à se créer autour de la jeune fille. Une prophétie locale raconte que « la France perdue par une femme sera sauvée par une vierge venue des marches de Lorraine ».

Le voyage s’avère être un périple particulièrement dangereux, Jeanne et ses accompagnateurs durent traverser des terres hostiles, aux mains de l’ennemi. Si l’on en croit l’hagiographie de notre héroïne, des soldats ennemis apprenant l’arrivé imminente de la Pucelle se seraient retrouvés paralysés ne pouvant alors plus accomplir leur entreprise criminelle.

Comme l’évoque le pape Benoît XVI dans sa catéchèse, ce voyage amorce l’année d’action de Jeanne d’Arc, s’en suivra une année de passion : celle de son emprisonnement et de son procès.

Rencontre avec Charles VII et premier examen théologique

L’entrevue avec Charles VII est prévue à Chinon, Jeanne doit patienter deux jours avant de rencontrer celui qu’elle appelle le « Gentil Dauphin » car pour elle il ne peut être Roi tant qu’il n’a pas reçu l’onction avec l’huile sainte des Rois de France, dans la cathédrale de Reims. En effet, le Roi n’est que le lieutenant d’un autre Roi, celui que Jeanne appelle le Roi des Cieux.

Charles VII est dans une situation délicate, si les anglais prennent d’autres villes et traversent la Loire, ils seront à proximité du territoire sur lequel la Cour s’est repliée après la prise de Paris par les anglo-bourguignons. Avant d’accorder sa confiance à la jeune lorraine, le Dauphin l’envoie à Poitiers où un groupe de prélats et de théologiens, après examen, ne voient en elle qu’une « bonne chrétienne » et une « vraie catholique ».

Jeanne promet deux choses à Charles VII : la levée du siège d’Orléans et le conduire à Reims pour être sacré Roi de France. Nous ne savons pas exactement ce que Jeanne a dit au Dauphin mais les révélations qu’elle lui a faite ont été suffisamment convaincantes puisque qu’il consente à la laisser rejoindre Orléans.

Dans la ville de Tours, une armure est tout spécialement fabriquée pour elle ainsi qu’un étendard. Une épée lui est également proposée mais Jeanne demande à ce qu’on lui rapporte l’épée de Charles Martel qui sur ces indications auraient été retrouvée enfouie derrière l’autel de la chapelle du village de Sainte-Catherine-de-Fierbois.

Jeanne, les grands capitaines français , et un important convoi de ravitaillement quittent Blois le 27 avril 1429 , direction Orléans.

Orléans

Face au doute de la cour du Dauphin, Jeanne promis donc de faire lever le siège d’Orléans. Cette ville est l’une des plus importante du Royaume de France (environ 30 000 habitants). Les anglais l’assiègent depuis environ six mois quand La Pucelle fait son entrée dans la cité (le 29 avril 1429). Jeanne est pressée d’en chasser les assiégeants mais les capitaines militaires ont d’autres plans et ne prennent pas encore au sérieux la jeune fille. Très rapidement, elle envoie plusieurs missives à l’ennemi, les sommant d’évacuer immédiatement les lieux et de retourner en Angleterre. Ces messages provoquent l’hilarité des « anglois » et les quolibets fusent à destination de la petite lorraine. D’ailleurs, dans sa catéchèse le pape Benoît XVI souligne le caractère pacifique de ces messages adressés par la sainte aux belligérants anglais.

Lors de sa première sortie hors les murs, le peuple orléanais est en émois : La Pucelle a fière allure sur son destrier blanc, équipée d’une armure flambant neuve, elle brandit un étendard où figure une image de Notre Seigneur tenant le monde accompagné des noms : « Jhésus Maria ». Sainte Jeanne d’Arc chevauche au côté des plus grands militaires de l’époque : Xaintrailles, La Hire, Gilles de Rais pour ne citer qu’eux. Ses talents de cavalière et son maniement de la lance sont déjà presque un miracle en soit car la fille de Domremy n’a pas été formée à l’art de la guerre.

Après ces premiers combats, de nombreux soldats sont tués, Jeanne pleure aussi bien les pertes françaises qu’anglaises et se lamente que ces hommes soient morts sans s’être confessés avant la bataille. Elle exigera par la suite que chaque combattant se confesse avant et après chaque affrontement. En ce temps de Carême, il faut savoir que Jeanne jeûnait tous les vendredis sauf un jour où épuisée par les combats, elle fera exception à cette règle.

Elle décide par ailleurs que l’on ne combattrait pas le 5 mai, jour de l’Ascension. En ce jour saint, Jeanne recevra « le sacrement de l’Eucharistie ». Acte important s’il en est car à l’époque il est rare de communier. Le dogme de la communion fréquente ne sera établi par le pape Saint Pie X qu’au début du XXème siècle. Toutefois les écrits nous rapportent que Jeanne, à contrario de la plupart de ses contemporains, communiaient fréquemment. Jeanne exige donc de ces hommes une stricte moralité chrétienne, elle leur interdit, par exemple, de fréquenter les prostituées. En effet, Jeanne d’Arc est convaincu que la bataille se gagne avec l’aide de Dieu et que pour remporter la victoire, il faut donc être en amitié avec le Tout-Puissant.

La sainte prédit avant l’ultime attaque contre les anglo-saxons qu’elle serait blessée « Tenez-vous toujours auprès de moi, car demain j’aurais beaucoup à faire et plus que je n’eu jamais, et demain le sang me sortira du corps au-dessus de mon sein ». Les français et Jeanne attaquent à l’aube contre l’avis des grands capitaines. Une fois de plus, celle-ci a été écartée des prises de décisions, elle parvient malgré tout à sortir par une porte à l’est de la ville. Les combats sont rudes, beaucoup de morts sont à déplorer et les français ne parviennent pas à prendre les positions anglaises. Les hommes sont las, fatigués et même abattus lorsqu’une flèche vient se loger entre le cou et l’épaule de Jeanne d’Arc : comme elle l’avait prédit donc !

Des soldats voulurent lui venir en aide en appliquant quelque remède païen à ses blessures, Jeanne refuse : « Je préférerais mourir plutôt que de faire quelque chose que je sache être un péché, ou être contre la volonté de Dieu ». Heureusement la blessure est superficielle et n’a pas atteint les organes vitaux. Jeanne s’isole alors du champ de bataille pour se reposer et prier.

Les hommes du bâtard d’Orléans sont exténués, le jour tombe, il va falloir battre en retraite. Mais soudain l’étendard de Jeanne est agité devant les Tourelles, place forte gardées par les anglais devant le pont d’Orléans. Une troupe d’hommes galvanisés par le retour de la Pucelle parviennent à reprendre ce point stratégique. Les anglais fuient à la vue de l’étendard de celle qu’ils pensaient avoir abattue. La retraite anglaise est générale, Jeanne interpelle le chef de guerre William Glasdale : « Clasdas ! Clasdas, ren-ti ! Ren-ti au Roi des cieux ! Tu m’as appelée putain ; moi j’ai grand pitié de ton âme et de celle des tiens. » Cependant une passerelle sur la Loire cède sous le poids du lord anglais et de ses généraux qui tentaient de fuir, ils sont alors précipités au fond du fleuve.

Au retour de l’armée dans la ville, on fête dignement la victoire : le Te Deum est entonné et les cloches des églises sonnent à la volée. Le lendemain les anglais lèvent le camp et se replient sur d’autres villes conquises précédemment comme Beaugency ou Meung-sur-Loire.

D’ailleurs Jeanne reprendra rapidement plusieurs de ces places (Jargeau et Patay également) des bords de Loire au cours du mois de juin. En effet, depuis Orléans, les officiers royaux précédemment divisés ont réussis à s’unir sous la bannière de celle envoyée par Dieu.

Le sacre de Charles VII à Reims

La première promesse de Jeanne étant réalisée, la troupe royale emprunte la route vers Reims le 29 juin. Bien que traversant un vaste territoire ennemi, le convoi entre assez facilement dans Auxerre, puis il rejoint Troyes où le siège de ne dure que cinq jours. L’ost royal atteint ensuite Châlons et enfin Reims.

Le sacre a lieu un dimanche en la cathédrale Saint-Rémi. Charles est couronné par l’évêque Regnault de Chartres. Compte tenu du contexte, tous les pairs de France ne sont pas présents et la plupart des attributs royaux sont gardés à Saint-Denis, la nécropole des rois de France.

Charles est tout de même oint avec l’huile miraculeuse issue de la Sainte Ampoule. Jeanne est évidemment présente, prise par l’émotion elle tomba à genoux devant le roi et déclara « Gentil roi, ainsi est exécuté le plaisir de Dieu, qui voulait que soit levé le siège d’Orléans, et que vous veniez en cette cité de Reims recevoir votre saint sacre, en montrant que vous êtes le vrai roi, celui auquel le royaume de France doit appartenir ».

Pour Benoît XVI, le sacre est l’autre moment culminant de l’action politique de Jeanne. En effet, Charles y voit sa légitimité renforcée: après le couronnement l’ost royal remporte de nombreuses batailles et assiège nombre de villes en région parisienne. Jeanne tente de reprendre Paris, elle est à nouveau blessée et le siège se solde par un échec. Quelques semaines plus tard, en Berry, Jeanne parvient à reprendre Saint-Pierre-le-Moutier aux mains des ennemis de Charles. En revanche elle échoue devant la Charité-sur-Loire.

Capture et emprisonnement de Jeanne d’Arc

Plus au nord, la ville de Compiègne est assiégée, celle-ci barre la route aux bourguignons souhaitant rejoindre Paris depuis la Flandre. En mai, Jeanne lance une attaque sur la cité mais elle se retrouve prise en tenaille par une compagnie de Jean de Luxembourg, partisan bourguignon. D’autres combattants sont fait prisonniers et sont rançonnés comme par exemple, Poton de Xaintrailles. Jeanne, elle, n’est pas autorisé à racheter sa liberté. L’université de Paris souhaite qu’elle soit présentée au procureur de l’inquisition. Mais ce sont les anglais, par l’intermédiaire de l’évêque Pierre Cauchon, qui rachètent la captive aux bourguignon pour la somme de 10 000 écus. Cauchon entend bien respecter toutes les règles d’un procès en hérésie. Une enquête est diligentée à Domrémy auprès de ceux ayant fréquenté Jeanne. Mais au grand désespoir de l’évêque, l’enquête n’apportera aucun élément à charge contre la Pucelle.

Après deux tentatives d’évasion, Jeanne est mise aux fers d’abord à Arras puis au Crotoy, dans la baie de Somme. Dans sa prison Jeanne entend la messe, l’abbé qui la reçoit en confession ne disait que du bien d’elle, la trouvant « bonne chrétienne et très pieuse ». C’est au Crotoy qu’elle est finalement remise aux anglais, elle arrive à Rouen le 23 décembre de l’année 1430 et est enfermée au château fort dont on peut encore voir aujourd’hui le donjon.

Ce sont les autorités ecclésiales qui sont chargées de mener le procès de Jeanne d’Arc cependant celle-ci est détenue par les autorités laïcs et ce sont plus particulièrement des anglais qui montent la garde devant la cellule de la prisonnière. Ses conditions de détentions sont particulièrement difficiles : Jeanne souffre du dos depuis sa tentative d’évasion au cours de laquelle elle a sauté depuis la tour dans laquelle elle étaient enfermée. Elle tombe malade notamment suite à une intoxication alimentaire. Ses geôliers anglais ont un comportement odieux : Jeanne subira insultes et tentatives de viol. Elle n’a qu’une obsession : préserver sa virginité car elle est persuadée que son salut ne passera que par le respect de cette promesse. De plus elle est harcelée en permanence par les interrogatoires, les juges n’ont de cesse que d’essayer de faire tomber Jeanne dans l’hérésie pour justifier sa condamnation.

Procès de Jeanne d’Arc et condamnation : année de passion

Jeanne est donc entrée dans cette année de passion décrite par Benoît XVI. Ainsi, citons le Saint Père à propos de ce procès :

« C’est un grand procès solennel, présidé par deux juges ecclésiastiques, l’évêque Pierre Cauchon et l’inquisiteur Jean le Maistre, mais en réalité il est entièrement guidé par un groupe nombreux de théologiens de la célèbre université de Paris, qui participent au procès comme assesseurs. Ce sont des ecclésiastiques français qui, ayant fait un choix politique opposé à celui de Jeanne, ont a priori un jugement négatif sur sa personne et sur sa mission. Ce procès est une page bouleversante de l’histoire de la sainteté et également une page éclairante sur le mystère de l’Église, qui, selon les paroles du Concile Vatican II, est «à la fois sainte et appelée à se purifier» (Lumen Gentium, n. 8).

Le pape poursuit à propos de ces théologiens parisiens : « A la différence des saints théologiens qui avaient illuminé l’université de Paris, comme saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin et le bienheureux Duns Scot […], ces juges sont des théologiens auxquels manquent la charité et l’humilité pour voir chez cette jeune l’action de Dieu. Les paroles de Jésus viennent à l’esprit, selon lesquelles les mystères de Dieu sont révélés à qui possède le cœur des tout-petits, alors qu’ils restent cachés aux sages et aux savants qui n’ont pas d’humilité (cf. Lc 10, 21). Ainsi, les juges de Jeanne sont radicalement incapables de la comprendre, de voir la beauté de son âme: ils ne savaient pas qu’ils condamnaient une sainte ».

Et ces ecclésiastiques vont employer les grands moyens pour faire condamner la Pucelle. Comme je vous l’ai dit précédemment l’enquête menée à Domrémy n’a pas révélé d’éléments incriminants Jeanne d’Arc hormis un détail : une fête traditionnelle au cours de laquelle les jeunes filles du village se retrouvait sous un arbre appelé l’arbre aux fées. Il n’en fallait pas plus aux théologiens pour accuser Jeanne de paganisme. L’autre élément qui va servir d’argument au tribunal sont les habits d’homme que Jeanne porte depuis son départ de Vaucouleurs, cette tenue est jugée infamante car contraire aux écritures saintes (plus particulièrement dans le Deutéronome). Pierre Cauchon et ses complices somment Jeanne de quitter ces habits d’homme mais cette dernière ne peut accéder à cette requête car cette tenue est un rempart contre les geôliers qui tentent de porter atteinte à sa pudeur.

Tout au long des interrogatoires, Jeanne résistera de manière admirables aux pièges que l’on lui tend. Je ne peux ne pas vous citer en exemple cette répartie d’une formidable justesse : alors qu’on lui demande si elle est se trouve en état de grâce, Jeanne répond : « Si je n’y suis, Dieu m’y veuille mettre ; si j’y suis, Dieu m’y veuille garder »

On la conduit d’abord au cimetière de Saint-Ouen où l’on lui fera signer un document par lequel elle promet de quitter ses habits d’hommes. Jeanne accepte de signer cette cédule car on lui a promis qu’elle serait condamnée à la perpétuité dans une prison sous la garde de l’Église. C’est un piège que l’on vient de lui tendre, elle réintégra une cellule gardée par des hommes et par conséquent se voit contrainte de revêtir à nouveau un habit d’homme.

C’est ce entre guillemets « parjure » qui condamna la Pucelle à être exécutée : le tribunal la déclare relapse. Le 30 mai 1431, elle reçoit une dernière fois la communion dans une grande dévotion puis elle est conduite sur la place du Vieux-Marché par une importante escorte de soldats anglais, jusqu’au dernier moment les britanniques auront craint Jeanne d’Arc.

Alors qu’on met le feu au bûcher, on apporte une croix de procession devant la jeune femme. Jeanne fixera cette croix jusqu’à ces derniers instants en répétant sans cesse le nom de Jésus. Benoît XVI enseigne dans sa catéchèse que ce « Nom de Jésus invoqué par notre sainte jusqu’aux derniers instants de sa vie terrestre, était comme le souffle incessant de son âme, comme le battement de son cœur, le centre de toute sa vie ». 

Ses juges grands prélats, docteurs et théologiens n’en mènent pas large face à ce triste spectacle. Des témoins rapporte que beaucoup pleurent, un anglais s’approchant du bûcher fut comme tétanisé, il croit y avoir vu une colombe sortir des flammes, il déclarera plus tard qu’il a gravement péché contre cette femme. Le bourreau se rend au couvent l’après-midi même de l’exécution et dit aux frères « sa grande crainte d’être damné parce qu’il avait brûlé une sainte ». Un secrétaire du Roi d’Angleterre dira même « nous sommes tous perdus car une sainte a été brûlée ».

Conclusion

Un procès en réhabilitation se tiendra plus de 20 ans plus tard. Ce procès est l’autre source historique principale de la vie de Jeanne. Elle est béatifiée en 1909 puis canonisée le 20 mai 1920.

Sainte Thérèse de Lisieux avait une grande dévotion pour Jeanne d’Arc. Un parallèle peut être fait entre ses deux patronnes secondaires de la France : ce sont deux jeunes filles émotives dotée d’un amour immense pour notre Seigneur. Dans sa catéchèse Benoît a plaisir de rappeler que « que sainte Jeanne d’Arc a eu une profonde influence sur […] sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans une vie complètement différente, passée dans la clôture, la carmélite de Lisieux se sentait très proche de Jeanne, vivant au cœur de l’Église et participant aux souffrances du Christ pour le salut du monde […] elle était animée par le même grand amour envers Jésus et son prochain, vécu dans la virginité consacrée. ».

Le pape nous indique en conclusion que « sainte Jeanne d’Arc nous invite à un haut degré de la vie chrétienne ». En effet, malgré une adversité terrible, dans une France anéantie, Jeanne a redonné espoir au peuple, car si les élites l’ont abandonnée, le peuple lui ne l’a jamais oublié. Et encore une petite chose : dans ces derniers instant la voix de Sainte Catherine lui avait annoncé qu’elle serait bientôt délivrée, Jeanne pensait à une délivrance physique or il n’en fut rien, cependant c’est dans ce dernier combat que Jeanne remporta la plus belle victoire qui soit : ce que Saint Alphonse de Liguori appelait la Victoire des Martyrs.

Clément Boyer

Sainte Thérèse de Lisieux : Cantique pour obtenir la Canonisation de la Vénérable Jeanne d’Arc (extrait)

Jeanne, Seigneur, est ton œuvre splendide

Un cœur de feu, une âme de guerrier

Tu les donnas à la Vierge timide

Que tu voulais couronner de laurier.

Jeanne entendit dans son humble prairie

Des voix du Ciel l’appeler au combat

Elle partit pour sauver la patrie

La douce Enfant à l’armée commanda.

 Douce Martyre, à toi nos monastères

Tu le sais bien, les vierges sont tes sœurs

Et comme toi l’objet de leurs prières

C’est de voir Dieu régner dans tous les cœurs.

Jeanne, c’est toi notre unique espérance

Du haut des Cieux, daigne entendre nos voix

Descends vers nous, viens convertir la France

Viens la sauver une seconde fois.

Notre espérance

Repose en vous

Sainte Jeanne de France

Priez, priez pour nous !