Document de Ravenne (8-15 Octobre 2007)
Dans son interview aux revues jésuites, le Pape François parle de la synodalite ainsi :
« On doit marcher ensemble : les personnes (la gente), les évêques et le pape. La synodalité se vit à différents niveaux. Il est peut-être temps de changer la manière de faire du Synode, car celle qui est pratiquée actuellement me paraît statique. Cela pourra aussi avoir une valeur œcuménique, tout particulièrement avec nos frères orthodoxes. D’eux, nous pouvons en apprendre davantage sur le sens de la collégialité épiscopale et sur la tradition de la [glossary id=’391′ slug=’synodalite’ /]. L’effort de réflexion commune, qui prend en considération la manière dont l’Église était gouvernée dans les premiers siècles, avant la rupture entre l’Orient et l’Occident, portera du fruit en son temps. Ceci est important pour les relations œcuméniques : non seulement mieux se connaître, mais aussi reconnaître ce que l’Esprit a semé dans l’autre comme un don qui nous est aussi destiné. Je veux poursuivre la réflexion sur la manière d’exercer le primat de Pierre, déjà initiée en 2007 par la Commission mixte, ce qui a conduit à la signature du Document de Ravenne. Il faut continuer dans cette voie. »
J’avoue que la référence au « Document de Ravenne » a interpellé ma curiosité.
Il s’agit du fruit du travail de la COMMISSION MIXTE INTERNATIONALE POUR LE DIALOGUE THÉOLOGIQUE ENTRE L’ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE ET L’ÉGLISE ORTHODOXE.
Le document est un superbe outil pour le dialogue et le rapprochement des églises romaine et orthodoxe, qui commence ainsi :
« Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21). Nous rendons grâce au Dieu Trinité qui nous a réunis – nous, membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe – afin de pouvoir répondre ensemble en obéissance à cette prière de Jésus. Nous sommes conscients du fait que notre dialogue reprend dans un monde qui a profondément changé ces derniers temps. Les processus de sécularisation et de globalisation, et le défi posé par les nouvelles rencontres entre chrétiens et croyants d’autres religions, exigent que les disciples du Christ témoignent de leur foi, de leur amour et de leur espérance avec une urgence nouvelle. Que l’Esprit du Seigneur ressuscité permette à nos cœurs et à nos esprits de porter des fruits d’unité dans les relations entre nos Églises, afin que nous puissions servir ensemble l’unité et la paix de toute la famille humaine. »
Voici quelques extraits :
Le fidèle est appelé par l’eucharistie :
« L’eucharistie manifeste la koinonia trinitaire actualisée dans les fidèles comme une unité organique de plusieurs membres, chacun desquels a un charisme, un service ou un ministère propre, nécessaires dans leur variété et leur diversité pour l’édification de tous dans l’unique Corps ecclésial du Christ (cf. 1 Co 12,4-30). Tous sont appelés, engagés et tenus pour responsables – chacun de façon différente mais non moins réelle – dans l’accomplissement commun des actions qui, par l’Esprit Saint, rendent présent dans l’Église le ministère du Christ, « le chemin et la vérité et la vie » (Jn 14,6).
(…)
En vertu du baptême et de la confirmation (ou chrismation), chaque membre de l’Église exerce une forme d’autorité dans le Corps du Christ. Dans ce sens, tous les fidèles (et non seulement les évêques) sont responsables de la foi professée à leur baptême. Notre enseignement commun est que le peuple de Dieu, par « l’onction reçue du Saint » (1 Jn 2,20 et 27), en communion avec ses pasteurs, ne peut être dans l’erreur en matière de foi. (cf. Jn 16,13). »
L’église à laquelle appartient le fidèle se définit selon 3 critères régionaux :
« L’Église existe dans de nombreux lieux différents, ce qui manifeste sa catholicité. Étant «catholique», elle est un organisme vivant, le Corps du Christ. Chaque Église locale, lorsqu’elle est en communion avec les autres Églises locales, est une manifestation de l’Église de Dieu, une et indivisible. Par conséquent, être « catholique » signifie être en communion avec l’unique Église de tous les temps et de tous les lieux. C’est pourquoi rompre la communion eucharistique veut dire faire atteinte à l’une des caractéristiques essentielles de l’Église, sa catholicité. »
(…)
L’autorité de l’Église lui vient de son Seigneur et Maître, Jésus Christ. Ayant reçu son autorité de Dieu le Père, le Christ, après sa résurrection, l’a partagée, par l’Esprit Saint, avec les Apôtres (cf. Jn 20, 22). Par eux, elle a été transmise aux évêques, leurs successeurs, et par ceux-ci à toute l’Église.
(…)
Dans l’Église, l’autorité appartient à Jésus Christ lui-même, l’unique Chef de l’Église (Ep 1,22 ; 5,23). Par son Esprit Saint, l’Église, qui est son Corps, participe à son autorité (cf. Jn 20, 22-23). L’autorité dans l’Église a pour but de rassembler tout le genre humain en Jésus Christ (cf. Ep 1,10 ; Jn 11,52).
(…)
L’autorité exercée dans l’Église au nom du Christ et par la puissance de l’Esprit Saint, doit être, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, un service (diakonia) d’amour, comme l’était celui du Christ (cf. Mc 10,45 ; Jn 13,1-16). L’autorité dont nous parlons, en ce qu’elle exprime l’autorité divine, ne peut subsister dans l’Église en dehors de l’amour entre celui qui l’exerce et ceux qui en sont l’objet. Il s’agit donc d’une autorité sans domination, sans contrainte physique ni morale. »
- 1. L’église au niveau local :
« 18. L’Église de Dieu existe là où il y a une communauté réunie par l’Eucharistie, présidée directement, ou à travers ses presbytres, par un évêque légitimement ordonné dans la succession apostolique, enseignant la foi reçue des apôtres, en communion avec les autres évêques et leurs Églises. Le fruit de cette Eucharistie et de ce ministère est de rassembler en une authentique communion de foi, de prière, de mission, d’amour fraternel et d’aide mutuelle, tous ceux qui ont reçu l’Esprit du Christ dans le baptême. Cette communion est le cadre dans lequel s’exerce toute autorité ecclésiale. La communion est le critère de cet exercice.
19. Chaque Église locale a pour mission d’être, par la grâce de Dieu, un lieu où Dieu est servi et honoré, où l’Évangile est annoncé, où les sacrements sont célébrés, où les fidèles s’efforcent de soulager la misère du monde et où chaque croyant peut trouver le salut. Elle est la lumière du monde (cf. Mt 5,14-16), le levain (cf. Mt 13,33), la communauté sacerdotale de Dieu (cf. 1 Pi 2,5 et 9). »
(…)
En vertu de ce même baptême, qui en a fait un membre du Christ, chaque personne baptisée est appelée, selon les dons de l’unique Esprit Saint, à servir dans la communauté (cf. 1 Co 12,4-27). Ainsi, à travers la communion, par laquelle tous les membres sont au service les uns des autres, (…)
- 2. L’église au niveau régional :
« Cette communion réelle entre plusieurs Églises locales, chacune d’elles étant l’Église catholique dans un lieu particulier, a été exprimée par certaines pratiques : la participation des évêques de sièges voisins à l’ordination d’un évêque de l’Église locale ; l’invitation d’un évêque d’une autre Église à concélébrer dans la [glossary id=’397′ slug=’synaxis’ /] de l’Église locale ; l’accueil des fidèles de ces autres Églises au partage de la table eucharistique ; l’échange de lettres à l’occasion d’une ordination ; et enfin, l’offre d’assistance matérielle. (…)
L’échange d’informations et les consultations entre les représentants de plusieurs synodes sont une manifestation de catholicité, ainsi que de cette mutuelle assistance et charité fraternelle qui devrait être la règle entre toutes les Églises locales, pour le plus grand bien commun. Chaque évêque est responsable pour toute l’Église avec tous ses collègues dans l’unique et même mission apostolique.
De cette façon, plusieurs provinces ecclésiastiques sont parvenues à resserrer leurs liens de responsabilité commune. Ce fut l’un des facteurs qui ont donné naissance aux patriarcats dans l’histoire de l’Église.
(…)
Dans le regroupement d’Églises locales au niveau régional, la catholicité apparaît sous sa vraie lumière. Elle est l’expression de la présence du salut non pas dans un univers indifférencié mais dans le genre humain tel que Dieu l’a créé et qu’Il vient le sauver. Dans le mystère du salut, la nature humaine est à la fois assumée dans sa plénitude et guérie de ce que le péché lui a affecté par l’autosuffisance, l’orgueil, le mépris des autres, l’agressivité, la jalousie, l’envie, la fausseté et la haine. La [glossary id=’392′ slug=’koinonia’ /] ecclésiale est le don par lequel tout le genre humain est unifié dans l’Esprit du Seigneur ressuscité. Cette unité créée par l’Esprit, loin de sombrer dans l’uniformité, exige et préserve ainsi – et, d’une certaine manière, met en valeur – la diversité et la particularité. »
- 3. L’église universelle
« Chaque Église locale est en communion non seulement avec les Églises voisines, mais avec la totalité des Églises locales, avec celles qui sont actuellement présentes dans le monde, celles qui le sont depuis le début et celles qui le seront dans le futur, et avec l’Église qui est déjà dans la gloire. Selon la volonté du Christ, l’Église est une et indivisible, la même toujours et en tout lieu. Dans le Credo nicéo-constantinopolitain, les deux parties confessent que l’Église est une et catholique. Sa catholicité embrasse non seulement la diversité des communautés humaines mais également leur unité fondamentale. (…)
Aucune Église locale ne peut célébrer l’Eucharistie en se séparant volontairement des autres Églises locales, sans affecter sérieusement la communion ecclésiale. Toutes ces choses touchent au lien de communion lui-même – et donc à l’essence même de l’Église.
(…)
Par conséquent, la conciliarité ou synodalité implique beaucoup plus que des évêques réunis en assemblée. Elle implique également leurs Églises. Les premiers sont les gardiens de la foi de ces dernières, dont ils font entendre la voix. Les décisions des évêques doivent être reçues dans la vie des Églises, surtout dans leur vie liturgique. Chaque Concile œcuménique reçu comme tel, au sens propre et intégral du terme, est en conséquence une manifestation et un service rendu à toute l’Eglise comme communion. »
La conclusion :
« Nous, les membres de la Communion mixte internationale pour le Dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe, sommes convaincus que la déclaration ci-dessus concernant la communion ecclésiale, la conciliarité et l’autorité, représente un progrès positif et significatif dans notre dialogue, et qu’elle offre une base solide pour de futures discussions sur la question de la primauté au niveau universel de l’Eglise. Nous sommes conscients que de nombreuses questions épineuses restent à éclaircir, mais nous espérons que, soutenus par la prière de Jésus : « Que tous soient un … afin que le monde croie » (Jn 17,21), et en obéissance à l’Esprit Saint, nous pouvons progresser à partir de l’accord déjà obtenu. En réaffirmant et en confessant « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4,5), nous rendons gloire à la Sainte Trinité, à Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, qui nous a réunis ensemble. »