Sans la religion, il n’y a pas d’espérance dans l’avenir

XXVII dimanche Mt 21, 33-43 

Cette parabole dite « des vignerons homicides » est terriblement actuelle si on l’applique à notre Europe et au monde chrétien en général. Dans ce cas, il faut dire que Jésus a été « jeté hors de la vigne » ; expulsé par une culture qui se proclame post-chrétienne, ou même anti-chrétienne.

En effet, les paroles des vignerons résonnent fort dans notre société sécularisée : « Voici l’héritier : allons-y ! Tuons-le, nous aurons l’héritage ». En d’autres mots, on ne veut plus entendre parler de racines chrétiennes de l’Europe. L’homme sécularisé veut être lui-même l’héritier, le patron.

Or, se conduire comme si Dieu n’existait pas ne peut pas être sans conséquence. Je lisais quelques commentaires au sujet du fameux concept de la décivilisation évoquée il y a quelque temps par le président de la République au Mont Saint-Michel. Il y en a qui disent, avec une bonne dose d’ironie, que « plus d’un siècle après la séparation entre l’Église et l’État, d’une certaine façon, nous n’avons plus en France ni Église, ni État. Le spirituel s’efface, et le temporel s’égare. Il arrive ainsi qu’en voulant séparer deux frères siamois, le chirurgien les tue l’un et l’autre ».

Chers frères et sœurs,

Il est triste l’avenir de l’humanité privée de Dieu ! Toute l’histoire confirme que privée de Dieu, l’humanité est livrée soit à l’angoisse soit au repli sur soi. En effet, sans la religion, il n’y a pas d’espérance dans l’avenir ni la foi dans la vie.

Cette semaine, j’ai suivi à la Radio Notre-Dame la présentation d’un nouveau livre du sociologue et politologue bien connu et apprécié en France, Jérôme Fourquet. Son nouvel ouvrage est intitulé « La France d’après », c’est-à-dire la France contemporaine, qui diffère singulièrement de la France des années 80’ du siècle passé. Un ouvrage qui peut nous aider à nous repérer, y compris sur le terrain religieux. En effet, Fourquet y observe non seulement la décivilisation, mais aussi la déchristianisation, tout en montrant les conséquences d’avoir remplacée la messe dominicale par les sorties chez Ikea ; ou le confessionnal par les antidépresseur et le yoga.

Dès lors on comprend que des générations coupées d’un héritage et de pratiques religieuses, se trouvent privées des défenses naturelles contre l’angoisse de notre fragilité. Certes, la religion n’est pas une béquille pour les faibles, cependant elle est le lieu où s’expérimente l’espérance dans l’avenir, la foi dans la vie, et l’amour du prochain.

Et encore une chose.

On a demandé un jour au pape Benoît XVI comment interpréter la parabole des vignerons pervers et homicides. Il a répondu que cette parabole a été déchiffrée sur la Croix. En effet, Dieu le Père n’écrase pas ceux qui ont fait du tort à son Fils, mais son Fils meurt pour les libérer de la violence. En fait, tout au long de cette histoire racontée par Jésus dans la parabole de ce dimanche, se dessine l’image d’un Dieu patient. Un Dieu qui tente par tous les moyens possibles de pousser l’homme à la conversion. Mais le drame de l’homme, c’est qu’il n’en veut pas. Il fait tout pour exclure Dieu. Son attitude à l’égard de la terre, du monde – parfois même sous l’apparence de la bonté – tend à éliminer Dieu. L’homme veut être maître de son destin.

Malheureusement, de temps en temps, la réalité nous montre que tout peut facilement échapper à notre contrôle, et qu’en réalité il n’y a rien que nous puissions contrôler de manière définitive et permanente. Oui, rien ne nous appartient, et nous ne pouvons pas devenir propriétaires de ce qui ne nous appartient pas, à moins d’en usurper la possession !

Hélas, c’est une tentation qui se présente souvent dans les lieux de pouvoir, quand on nous confie une responsabilité, quand on nous appelle à un service : nous nous considérons facilement comme des maîtres. Pourtant, à y regarder de plus près, nous ne possédons jamais rien, tout peut nous être enlevé à tout moment : nos proches, notre rôle, notre santé, notre vie même.

Chers frères et sœurs,

C’est pour nous rappeler que nous ne sommes que des locataires sur cette terre et que notre rôle consiste à prendre soin de cette terre – que Dieu continue à nous faire confiance. En effet, Dieu croit en l’homme même lorsqu’il se révèle « sans espoir ». Plus encore, il n’accepte pas du tout que l’homme puisse se déconnecter définitivement de Lui. Il se bat pour lui jusqu’à la limite de sa toute-puissance. Et cette limite, c’est la liberté de l’homme.

Père Stanislas