Craignez, mais n’ayez pas peur !

Homélie du Père Stanislas Stawicki – dimanche 25/06

fête paroissiale Saint Jacques – Saint Christophe

Craignez, mais n’ayez pas peur !

XII Dimanche Ordinaire – Mt 10, 26-33

Père Stanislas Stawicki

L’évangile de ce dimanche soulève plusieurs points mais nous pouvons les résumer tous, dans cette phrase apparemment contradictoire : « Craignez, mais n’ayez pas peur » ! Je m’explique.

Jésus dit dans l’évangile de ce dimanche : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps ».

Qui est celui qui peut faire périr non seulement notre corps mais aussi notre âme ?

Est-ce Dieu ? Mais non ! « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (soient heureux) et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4).

Celui qui cherche à faire périr notre corps et notre âme, c’est le Tentateur ! Le diable ! C’est bien lui qui nous pousse à nous séparer de Dieu ; qui veut nous arracher à Dieu. Voilà pourquoi nous devons craindre Dieu mais sans avoir peur de Lui. Car il y a une différence entre peur et crainte. En quoi consiste-t-elle ?

Eh bien, la peur est une manifestation de notre instinct fondamental de conservation. C’est une réaction à une menace contre notre vie ou tout simplement contre notre tranquillité ou notre sécurité.

Selon qu’il s’agisse de dangers réels ou imaginaires on parle de peurs justifiées et de peurs pathologiques.

Si p.ex. je suis sur le point d’être renversé par une voiture ou si je commence à sentir la terre trembler sous mes pieds à cause d’un tremblement de terre, ce sont des peurs justifiées. Ces frayeurs disparaissent comme elles sont apparues, à l’improviste et sans préavis, lorsque le danger disparaît, en laissant au pire un mauvais souvenir.

Mais les plus difficiles à gérer sont toujours les peurs chroniques, celles que nous traînons depuis notre enfance, qui grandissent avec nous, et auxquelles nous finissons parfois nous identifier. Nous les appelons les complexes ou les phobies.

Jésus, dans l’évangile de ce dimanche nous aide à nous libérer de toutes ces peurs en révélant le caractère relatif et non absolu des dangers qui les provoquent. Car il y a une partie de nous que rien ni personne au monde ne peut vraiment nous arracher ou abîmer ! Laquelle ?

Pour ceux qui ne croient pas en Dieu, c’est la conscience. Pour les croyants, c’est notre âme ; l’âme immortelle. Et c’est justement ici qu’intervient la crainte de Dieu qui est très différente de la peur, parce que la crainte de Dieu est une chose que l’on doit apprendre : « Venez, mes fils, écoutez-moi, dit le Psalmiste, que je vous enseigne la crainte du Seigneur » (Ps 33, 12).

Il n’est pas nécessaire en revanche d’apprendre la peur à l’école ; elle apparaît à l’improviste face au danger. Je vous donne un exemple.

Jésus guérit un paralytique qui se lève et se met à marcher. On lit dans l’évangile que devant ce miracle « Tous furent saisis de stupeur et rendaient gloire à Dieu. Remplis de crainte, ils disaient : Aujourd’hui nous avons vu des choses extraordinaires » (Lc 5, 26).

Voyez-vous ! Stupeur, émerveillent, respect, louange… C’est ça la crainte de Dieu. Elle est une composante de la foi ; elle est un allié de l’amour. C’est la peur de déplaire à la personne aimée – que l’on retrouve également chez toute personne réellement amoureuse. Voilà pourquoi la crainte de Dieu c’est aussi un des sept dons de l’Esprit Saint.

Ce type de la crainte de Dieu, est appelé par la Bible « principe de la sagesse », car il conduit à faire les bons choix dans la vie. « La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse » – nous dit le Psalmiste (111,10). Autrement dit, la seule crainte autorisée par la Bible, c’est la crainte de perdre l’âme dont parle Jésus dans l’évangile de ce dimanche ; c’est la crainte de perdre Dieu.

Lundi dernier nous avons célébré le quatrième centenaire de la naissance de Blaise Pascal. Même le pape François nous a offert à cette occasion une stimulante lettre apostolique de 12 pages, intitulée « Grandeur et misère de l’homme ».

Je vous en parle car Blaise Pascal n’était pas seulement un génie des maths et de physique. Il était avant tout un grand chercheur de Dieu. Il nous a appris à chercher Dieu plume à la main, et il nous a appris à chercher Dieu en Dieu : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Dieu de Jésus-Christ » – confesse-t-il dans ses Pensées.

Oui, Pascal nous invite à prendre soin de notre âme. Il nous éveille à la spiritualité. Il nous apprend à chercher Dieu en Dieu comme le font les pèlerins. Et c’est ici que nous arrivons aux saints patrons de notre paroisse : Jacques et Christophe.

Tous deux, ils nous rappellent que notre vie est un voyage, une marche, un pèlerinage. Autrement dit, ils nous rappellent le caractère provisoire de la vie d’ici-bas ; le caractère provisoire de la condition humaine.

Oui, le pèlerinage est une parabole de l’existence humaine et croyante. « Être, c’est être en route » – disait Gabriel Marcel. C’est l’âme, précisément, qui est une voyageuse ; c’est de l’âme, et d’elle seule, qu’il est vrai de dire qu’être, c’est être en route ».

Est-ce que mon âme est en route, en déplacement intérieur ? Est-ce que mon âme est une voyageuse ? Voilà les questions et le message des saints patrons de notre clocher.

Saint Jacques apôtre, nous appelle à cultiver la dimension pérégrinante de notre vie chrétienne paroissiale, puisqu’il personnifie l’esprit des pèlerins dont il est le saint patron. Saint Christophe, pour sa part, nous appelle à cultiver le côté missionnaire de la vie chrétienne paroissiale, car son nom signifie « porteur du Christ ».

« Nous sommes tous des Christophe – disait joliment le pape François. Chaque chrétien est un Christophe, c’est-à-dire un porteur du Christ »!

Mais quelle signification pouvons-nous donner aujourd’hui à cette tradition très ancienne dans l’Église d’attribuer les saints patrons aux paroisses?

Eh bien, la vie chrétienne, qui suppose des choix personnels, n’est jamais une aventure individuelle. Elle est toujours communautaire. Personne n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé. Dieu a voulu entrer dans la dynamique d’un peuple que nous sommes.

Dieu nous attire et nous sauve en prenant en compte la trame complexe de nos relations interpersonnelles qui s’établissent aussi dans la communauté paroissiale : les relations quelques fois compliquées et malades, mais combien fécondes !

Que Saint Jacques et Saint Christophe, en leur qualité de saints patrons de notre paroisse, nous aide à entrer dans cette dynamique des pèlerins et des missionnaires qui nous rend frères, les uns des autres, différents et égaux.