Le publicain était devenu juste, plutôt que le pharisien

« Ne plaçons pas un miroir entre Dieu et nous pour nous regarder. Laissons-nous regarder par Dieu qui nous aime tels que nous sommes. »

Lectures : Trentieme dimanche du temps ordinaire

Comme beaucoup de paraboles de Jésus, la parabole du pharisien et du publicain est une caricature. Non pas une caricature au sens péjoratif qu’on donne généralement au mot, mais du grand art, parce que la caricature est l’art de celui qui d’un trait de crayon, sait dire la vérité d’un personnage ou d’une situation. Le petit chef d’œuvre de Jésus, aujourd’hui, met en scène deux personnages typiques de la société de son temps : un pharisien et un publicain.

Pour bien saisir la saveur du portrait que Jésus en fait, il faut se rappeler que les pharisiens étaient des gens d’une grande rectitude morale, et non des hypocrites, comme on a tendance à le croire aujourd’hui. Ils étaient même très bien considérés à l’époque. Celui que décrit Jésus est même un super-pharisien par ses jeûnes et sa générosité. Il faut également se rappeler que les publicains étaient réellement de sales types ; non seulement collaborateurs de l’occupant romain, mais également voleurs, oppresseurs des petits, sans pitié pour les pauvres gens qu’ils n’hésitaient pas à faire vendre comme esclaves quand ils ne pouvaient pas payer les impôts qu’on leur réclamait. Ils avaient acheté leur fonction, souvent très cher, et ensuite, parce qu’ils fixaient arbitrairement l’assiette de l’impôt, ils se débrouillaient pour faire rapidement fortune sur le dos des gens.

Jésus nous montre ce qui est au cœur de ce pharisien qui est monté au Temple pour prier. Nous avons toutes les raisons de penser que ce que dit le pharisien est vrai : Il est donc probablement certain que cet homme n’a jamais volé personne, ni trompé sa femme, ni commis une quelconque injustice. Il est également vrai qu’il ne s’est pas contenté d’observer les commandements de Dieu mais qu’il en a fait plus : le jeûne deux fois par semaine était recommandé mais pas obligatoire, le paiement de la dîme n’était exigé que pour les plus hauts salaires. Tout ce que dit le pharisien est juste. Il est réellement un modèle d’obéissance à la Loi de Dieu. Il lui reste une seule chose à reconnaître : c’est de rendre grâce à Dieu d’être ce qu’il est : « Mon Dieu je te rends grâce… » il oublie de le faire.

Voilà pourquoi, « quand le publicain redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste plutôt que l’autre ». Ce Pharisien est totalement juste selon la loi de Dieu et pour ses coreligionnaires. Il est totalement injustifiable aux regards de Jésus. En effet sa prière manifeste qu’il n’aime personne – ils sont tous des voleurs ou des adultères – dit-il. Il n’a que du mépris pour eux. Le pharisien n’aime pas les autres, il aime simplement être leur supérieur : « Je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes », dit-il. Cet homme qui accomplit la loi jusqu’au bout et encore davantage est en vérité totalement faux. Il fausse tout. Il va jusqu’à attribuer à Dieu le mérite d’avoir fait de lui un supérieur et un modèle de vertu. Son orgueil se pare d’humilité. Il s’est mis hors d’atteinte de Dieu et hors d’atteinte des autres. Cet homme est monté au Temple pour prier mais il ne s’adresse à Dieu que pour se contempler lui-même en Dieu comme un supérieur et un modèle. Autrement dit, entre Dieu et lui il a placé un miroir dans lequel il se reflète. Il aime se regarder. Il se réjouit d’être ce qu’il est. Cet homme s’est servi de la Loi de Dieu pour s’adorer lui-même. Un tel homme s’est coupé de la source de l’Amour. Le pharisien a beau être juste selon les lois de Dieu ou de l’Église, il ne cherche à mener personne à Dieu. Il les mène à lui. Il n’aime pas ceux qu’il instruit, il aime être leur supérieur.

Nous avons aujourd’hui, comme à l’époque de Jésus, à lutter contre le pharisaïsme, le nôtre comme celui des religions. Nous avons à nous souvenir, comme le dit saint Paul que « j’aurais beau parler toutes les langues des anges et des hommes, j’aurais beau donner tous les biens aux pauvres, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour je ne suis qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit ».

Et le publicain ? Ce publicain que son propre peuple traite de pécheur public parce qu’il empoche pour son propre compte une partie des impôts qu’il collecte ? Au moins celui-là ne se prétend pas un modèle. Il ne regarde pas les autres de haut et, lorsqu’il monte au Temple pour prier, il n’ose pas lever les yeux vers le ciel. Il ne se compare à personne ; il est trop conscient de sa pauvre condition de pécheur pour penser à ce que font les autres. Le publicain est un homme blessé qui supplie Dieu de lui être favorable malgré ce qu’il est… et qui peut-être ne changera jamais. Il en appelle à Dieu pour le sauver. Sa situation de pécheur est un appel à l’Autre. Dieu ne peut rien pour celui qui a une pierre à la place du cœur comme le pharisien. Mais il répond toujours à celui qui a le cœur brisé : « Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu » (Psaume33). Le publicain n’a rien d’un juste ni à ses propres yeux, ni pour son peuple. Il est juste uniquement pour Dieu : « Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste plutôt que l’autre. »

Nous aurons beau avoir toutes les qualités s’il nous manque l’amour cela ne sert à rien. Toutes les qualités du monde si elles ne servent qu’à « moi » ne peuvent jamais rien produire d’autre qu’un comportement mortifère, écrasant pour tous.

Cette parabole est une invitation à “aimer”. L’invitation que d’abord Jésus lui-même nous adresse: « Tu aimeras ton Dieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même ». L’invitation qui a été sans cesse reprise dans la tradition chrétienne. Dans son commentaire de la première lettre de saint Jean, saint Augustin écrit : « Voilà le court précepte qui t’est donné une fois pour toute : Aime, et ce que tu veux fais-le – Si tu te tais tais-toi par amour ; si tu parles, parles par amour ; si tu corriges, corriges par amour ; si tu pardonnes, pardonnes par amour ; aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine ne peut naître que le bien. » (Traité VII, § 8.)

Un amour qui est à la fois amour de Dieu et amour des hommes. C’est à dire un amour qui s’exprime dans une transcendance, dans une verticalité et dans une horizontalité. Un amour qui trace le signe de la Croix sur toutes nos relations. Or c’est bien sur la Croix que le Christ Jésus a montré qu’il aimait, jusqu’au bout, son Père et les hommes, au cœur de sa Passion. Il nous montre ainsi que la souffrance, que la douleur, ne sont pas des obstacles pour aimer. Nous pouvons aimer à travers toutes choses de cette dimension de l’amour.

Sainte Bernadette de Lourdes disait : « Je ne passerai pas un seul instant, que je ne le passe à aimer. » Mais Aimer vraiment, selon la définition que sainte Thérèse de Lisieux donne de l’amour : « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même » (PN 54, strophe 22).

En accueillant dans cette Eucharistie, Celui qui est l’Amour, livrons-nous à Lui pour recevoir de lui la capacité d’Aimer d’un même amour, Dieu notre Père et les hommes, nos frères.

D’après diverses sources.

Evangile et homélie (Père Christophe Hermanowicz)

Quelques photos de l’orgue, prises par notre organiste Guy Didier

Orgue :Au grand Orgue, Guy Didier

Œuvres de J.S Bach

Entrée : « Prélude » de la « Suite en Ré »
Offertoire : « Fantaisie et Fugue en La mineur » : « Fantaisie »
Communion : « Adagio » de la « Toccata, Adagio et fugue en Ut »
Sortie : « Fantaisie et Fugue en La mineur » : « Fugue »

Jean Sébastien Bach

Les autres homélies du Père Christophe Hermanowicz

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