« La paix de Jésus est l’équivalent du bonheur parfait, de la joie divine d’exister. Cette paix est liée à la foi et reçue comme un don de Dieu.»
Lectures : Vingtième dimanche temps ordinaire
Tout le monde sait que « évangile » veut dire « bonne nouvelle ». Ce que nous savons moins ou pas du tout c’est que cette « bonne nouvelle » n’a pas le sens habituel que nous donnons à cette expression. La « bonne nouvelle « de l’évangile ne provoque pas forcément une joie immédiate, une satisfaction immédiate, répondant à nos besoins immédiats. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous dit qu’il ne vient pas apporter la paix mais la division : « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. ». Cette parole est étonnante .Comment la comprendre ?
« Je ne suis pas venu mettre la paix dans le monde. » Ailleurs, Jésus dit : « Je vous donne la paix ! » . La mentalité sémitique ignore certaines de nos nuances et n’a pas peur de ce qui nous paraît être des contradictions. De quelle paix s’agit-il ? Il y a, en effet, des fausses « paix » . Celle qui cherche une tranquillité égoïste : « Fiche-moi la paix ! », une paix de résignation : « Laisse tomber ! », une paix imposée par la force avec un vainqueur et un vaincu. La paix véritable ne peut que rarement être imposée de l’extérieur, elle doit naître de l’intérieur. La paix que Jésus apporte est n’est pas seulement l’absence de guerre ou de conflits mais elle nous délivre de la peur, de la tristesse, de l’inquiétude de l’angoisse. Cette paix est liée à la venue du Messie, à Jésus, au Royaume. Elle est l’équivalent du bonheur parfait, de la joie divine d’exister. Cette paix est liée à la foi et reçue comme un don de Dieu. Cela nous invite à trouver le cœur de la pensée de Jésus. Mais allons plus avant dans ce passage…
Je suis venu apporter le feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé. Quel est donc ce feu que Jésus est venu répandre? Le feu évoque à la fois la destruction et le danger, mais aussi la chaleur du sang et de l’amour. C’est bien le feu de l’Esprit d’amour que Jésus est venu allumer sur la terre et communiquer à ses disciples, mais cela a entraîné bien des hostilités et des divisions et lui a coûté le prix du sang. Jésus parle de sa mort, comme d’un baptême, le baptême du sang, pourrait-on dire. Ses paroles nous rappellent le sens de notre baptême, puisque c’est en son nom que nous avons été baptisés. Nous avons été baptisés dans l’eau et confirmés dans le feu de l’Esprit Saint. Nous avons été plongés dans la mort du Christ pour vivre de sa vie. Nous baptisés, sommes appelés à redécouvrir que vivre notre baptême, c’est faire le choix d’inscrire notre vie sous le signe du Christ mort et ressuscité, un choix de brûler du même feu que lui, d’accepter comme lui le rejet et la division. L’Esprit Saint n’est pas une chose que, nous chrétiens aurions à conserver comme une relique à vénérer,une pièce de musée. L’Esprit Saint, c’est l’Esprit de Dieu qui vient investir toute notre vie de disciples. Désormais, nous avons à vivre dans le monde en écoutant, en suivant un autre esprit que celui qui anime spontanément la vie des hommes. Il s’agit bien pour nous d’un changement de mentalité, d’une conversion des cœurs et de notre manière de vivre. Croire, c’est prendre position. Il ne s’agit plus d’obéir aux impératifs du monde mais à ceux de Dieu qui nous appellent à changer notre manière d’agir. Cela ne peut que nous mettre en conflit avec nous-mêmes d’abord, à entrer dans ce combat contre l’esprit du monde, d’abord en chacun de nous : ce combat du secret des cœurs. Se trouvent en effet, contredits nos élans immédiats, nous qui sommes, spontanément, tournés vers nous-mêmes. Nous cherchons bien souvent à tirer notre épingle du jeu, à sauver notre peau. Dieu, Lui ne connaît pas d’autre impératif que de sauver les autres au risque d’en mourir sur une croix.
La croix du Christ souligne aussi une deuxième violence ; c’est la violence des non-violents : interrogé sur son identité , Jésus ne se tait pas : « Es-tu le Fils de Dieu ? – Tu l’as dit ». Il aurait suffi que Jésus se taise et ses juges l’auraient relâché. Jésus dit tout haut ce que sa conscience lui dit en secret. Ce serait mal comprendre la non-violence évangélique que de penser qu’elle nous demande de sauvegarder la paix à tout prix. Vouloir la paix au prix de taire le cri de notre conscience, au point de taire ce que notre conscience croît être la vérité serait tout simplement de la lâcheté. Nous obéirions alors à l’esprit du monde et pas à l’Esprit de Dieu ;. Ce courage de la fidélité à sa conscience, Jésus l’a toujours eu.
La division qu’apporte Jésus n’est pas celle du diable, le diviseur. La division qu’apporte Jésus est celle des cœurs, des libertés, des choix de vie , celle de la foi en lui. Il nous demande qu’habités par son Esprit d’amour, Esprit de feu, nous mettions notre confiance en ce qu’il nous dit de Dieu, son Père : Dieu est le Père de tous les hommes et que tous les hommes sont nos frères. Voilà une racine profonde de nos conflits : la peur de l’autre, de celui qui est différent. « N’ayez pas peur » et apprenez à pardonner les offenses. Cela est exigeant, cela exige l’aide de l’Esprit de Jésus. Être disciple de Jésus, c’est accepter de faire des choix qui ne sont pas forcément compris et qui divisent.
Ce double combat , à la fois contre l’esprit du monde en nous et contre l’esprit du monde dans la société, l’Église, dont nous baptisés, sommes les membres, le vit chaque jour.
Ne bradons pas l’évangile, gardons le courage de notre foi au coeur d’un monde qui souvent n’a pas fait le même choix que nous-mêmes « Cherchons le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste nous sera donné par surcroît ».Et comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux que nous venons d’entendre : « courons avec assurance l’épreuve qui nous est proposée ».
Père Francis Corbière
Evangile et Homélie
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