EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM- Morceaux choisis 1

DU PAPE FRANÇOIS AUX ÉVÊQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES, AUX PERSONNES CONSACRÉES, ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS

SUR L’ANNONCE DE L’ÉVANGILE DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI

Donné à Rome, près de Saint Pierre, à la conclusion de l’Année de la foi, le 24 novembre 2013,

Lien :  http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium_fr.html

Quelques morceaux choisis (1) :

I. Une joie qui se renouvelle et se communique

2. Le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. (…) ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité. (…)

(la joie) s’adapte et se transforme, et elle demeure toujours au moins comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout. (…)

Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai. Parce que, si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres ?

II. La douce et réconfortante joie d’évangéliser

(…) « La vie augmente quand elle est donnée et elle s’affaiblit dans l’isolement et l’aisance. De fait, ceux qui tirent le plus de profit de la vie sont ceux qui mettent la sécurité de côté et se passionnent pour la mission de communiquer la vie aux autres ». (…)

Bien que cette mission nous demande un engagement généreux, ce serait une erreur de la comprendre comme une tâche personnelle héroïque, puisque l’œuvre est avant tout la sienne, Jésus est « le tout premier et le plus grand évangélisateur ».(…) Dans toute la vie de l’Église, on doit toujours manifester que l’initiative vient de Dieu, que c’est « lui qui nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19) et que « c’est Dieu seul qui donne la croissance » (1 Co 3, 7). Elle nous demande tout, mais en même temps elle nous offre tout.

III. La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi

(…)Je ne crois pas non plus qu’on doive attendre du magistère papal une parole définitive ou complète sur toutes les questions qui concernent l’Église et le monde. Il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire. (…)

Chapitre I .La transformation missionnaire de l’Église

  1. I.                    Une Église « en sortie »

Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. (…)

L’Église “en sortie” est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent. (…)

  1. II.                  Pastorale en conversion

(…) Ce n’est pas d’une « simple administration » dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un « état permanent de mission ». (…)

La paroisse n’est pas une structure caduque ; si elle est capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles ». Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration. À travers toutes ses activités, la paroisse encourage et forme ses membres pour qu’ils soient des agents de l’évangélisation. (…)

La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. (…) L’important est de ne pas marcher seul, mais de toujours compter sur les frères et spécialement sur la conduite des évêques, dans un sage et réaliste discernement pastoral.

  1. III.                À partir du cœur de l’Évangile

(…) En outre, chaque vérité se comprend mieux si on la met en relation avec la totalité harmonieuse du message chrétien, et dans ce contexte toutes les vérités ont leur importance et s’éclairent réciproquement. (…) toutes les vertus sont au service de cette réponse d’amour. Si cette invitation ne resplendit pas avec force et attrait, l’édifice moral de l’Église court le risque de devenir un château de cartes, et là se trouve notre pire danger. Car alors ce ne sera pas vraiment l’Évangile qu’on annonce, mais quelques accents doctrinaux ou moraux qui procèdent d’options idéologiques déterminées. Le message courra le risque de perdre sa fraîcheur et de ne plus avoir “le parfum de l’Évangile”.

IV. La mission qui s’incarne dans les limites humaines

Saint Thomas d’Aquin soulignait que les préceptes donnés par le Christ et par les Apôtres au Peuple de Dieu « sont très peu nombreux ». Citant saint Augustin, il notait qu’on doit exiger avec modération les préceptes ajoutés par l’Église postérieurement « pour ne pas alourdir la vie aux fidèles » et transformer notre religion en un esclavage, quand « la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fût libre ».

V. Une mère au cœur ouvert

(…)Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37). (…)